Partie 5
Jean Martel, chambellan de Charles
V, au couvent des Célestins
Vers la partie 4
Les protestants s’installent à Limay
Les Capucins séduisent la population
Charles
n’était pas encore le cinquième, il était Dauphin et duc de Normandie et avait
un ami plus qu’un chambellan qui se trouvait à ses côtés à la bataille de
Poitiers ; ce familier de la famille royale qui avait pour nom Jean
Martel fut cruellement blessé là même où le roi Jean le Bon, vaincu, fut fait
prisonnier par les Anglais, ce 19 septembre 1356 et trépassa quelques jours
plus tard ; son corps, plus tard, fut conduit au couvent des Augustins de Rouen.
Sans
doute séduit par la beauté du site sur lequel se trouve la chapelle
Sainte-Christine à Limay, Charles V décide d’installer son fidèle chevalier
Jean Martel après quelques années de travaux, en 1379, au milieu des
frères Célestins qu’il dote très généreusement , sans oublier une rente pour
que les moines disent une prière quotidienne à perpétuité pour le souvenir de
son chambellan. Le roi ne sera pas le seul donateur au profit du monastère qui
va rapidement devenir fort puissant…
Dans quelques temps, les Célestins ne reconnaîtront
plus ni Dieu ni maître… L’archevêque de Rouen, dès le printemps 1774, avisera
le roi de France alors Louis XVI que les Célestins ne rentreront jamais dans le
rang ; un inventaire des biens du monastère des Célestins de Limay fut
dressé
avant sa dissolution qui devint définitive en date du 13 mai 1779. Le comte
Martel de Delincourt, village situé dans le département de l’Oise, avec
l’autorisation de l’archevêque de Rouen et celle de l’assemblée de la paroisse,
fit alors retirer les restes de son illustre ancêtre, de son vivant chambellan
de Charles V, de l’ancienne chapelle des Célestins de Limay pour les installer
dans la petite église de Delincourt dans laquelle, dans la chapelle sud, on
trouve une plaque de pierre qui retrace en quelques lignes la destinée des
restes mortels de Jean Martel jusqu’en 1787 date effective de leur arrivée dans
cette paroisse.
Laissons les Célestins sur leur hauteur et rallions-nous au panache blanc
qui flotte au dessus de la bataille, humons cette bonne odeur de poule au pot
et souvenons-nous que labourage et pâturage sont les deux mamelles de la
France… et oui, nous y sommes… Henri IV et son ministre Sully qui est un voisin
puisqu’il est né ici à la toute fin de l’année 1559, à Rosny, sans
doute même dans le château de Beuron qui se trouve à deux ou trois kilomètres
de celui de Rosny qui ne semble pas avoir été en très bon état à cette
époque ; c’est un calviniste convaincu
et un grand familier de celui qui oscillera, en fonction des besoins du
royaume, du protestantisme au catholicisme et qui, légende oblige, deviendra au
fil des siècles notre « Bon roi ».
Regardons maintenant l’extrait de plan, dit
napoléonien, ci-contre, il n’est donc pas de l’époque de Sully mais ce n’est
pas grave, c’est juste pour situer précisément le lieu où nous nous trouvons à
Limay pour aborder cette partie de son histoire. Nous nous trouvons donc à
l’intersection de la rue des Capucins en haut de la carte et de la rue de la
Truanderie dont une partie, à droite de la croix, était appelée rue de la
Presche en référence aux protestants qui avaient installé leur lieu de réunions
dans une grande maison située à cet endroit. Certains historiens avancent que
Calvin en personne serait venu dans la région pour convertir les habitants, il
aurait séjourné chez les seigneurs d’Hazeville, ce serait à Enfer, hameau de Wy
qui n’était pas encore Joli-Village situé à une vingtaine de kilomètres de
Limay, que Calvin aurait écrit une partie de « l’institution
chrétienne » publiée à Bâle en Suisse en 1536…
Quoiqu’il
en soit, il semblerait que les premières assemblées se soient tenues à Limay
dès 1560 sans doute de manière plutôt clandestine… date qui correspond tout de
même plus ou moins à l’édit d’Amboise signé en 1563 entre le catholique duc de
Montmorency, maréchal de France, et Louis de Condé, chef des protestants ;
une grande liberté de conscience est octroyée aux protestants ainsi qu’une
certaine liberté de culte limitée et très
encadrée, notamment, les réunions ne doivent se tenir que dans le faubourg d’une
seule ville par bailliage qui accueillera tous ceux du ressort qui le
souhaiteront, pour la région, ce sera Limay. Cet édit sera suivi de beaucoup
d’autres apportant des nuances, plus ou moins favorables aux protestants,
jusqu’à celui de Nemours, signé en 1585, qui proscrit la liberté de conscience
et donc, par la même occasion, celle du culte. C’est à Mante, en 1591, que cet
édit dit de Nemours sera annulé.
En
1594, catholique depuis son abjuration du 25 juillet 1593 en la basilique de
Saint-Denis Henri IV assiste, à Mante, à une réunion de députés calvinistes à
qui il aurait déclaré que sa conversion n’avait rien changé à l’affection qu’il
leur portait. En 1598, le fameux édit de Nantes est signé… tout va donc bien
pour les quelques familles protestantes de Limay et des environs… jusqu’à ce
qu’un certain Ravaillac ait l’idée -à moins qu’on ne le lui ait soufflée- de
planter une dague dans le cœur tolérant d’Henri IV en ce 14 mai 1610…
Les frères de Saint-François
d’Assise prirent leur bâton de pèlerin pour aller porter la bonne parole dans
les foyers protestants et de son couvent de Paris, le père Léon est venu jusqu’à
Limay prêcher le Carême en 1614, c’est un Capucin donc de la famille des
Franciscains… Nous sommes bien loin des arrogants et richissimes Célestins car
en plus de leur mission évangélique les Capucins véhiculent une image de
simplicité et de bonté, ils ont l’habitude de vivre dans un dénuement certain
et n’ont pas peur de côtoyer les plus pauvres pour leur venir en aide. A Limay comme à Mante la population est
séduite par le père Léon et dès la fin
de cette année 1614, les notables tant de Mante que de Limay se réunissent pour délibérer pour savoir si les frères Capucins, qui le demandaient,
pouvaient venir bâtir un couvent… peut-être un peu au détriment des
Cordeliers, autres Franciscains qui avaient déjà été un petit peu négligés par
Charles V tant ce roi était occupé par l’établissement des Célestins de Limay,
que les Capucins semblent supplanter dans le cœur de la population… mais c’est,
presque, une autre histoire…
Exemple de
conversion
|
Et
il fut décidé de les installer au plus près du mal hérétique ; le terrain
nécessaire à l’établissement des moines est vite trouvé car à Limay, tout prêt
du lieu de culte des protestants, se trouve un grand terrain clos de murs qui
allait parfaitement faire l’affaire. Sauf que les protestants de la région s’opposèrent
vigoureusement à un tel voisinage et envoyèrent une protestation au jeune Louis
XIII ; c’est la mère du roi, Marie de Médicis, qui exerce la régence qui
répond en interdisant l’établissement du nouveau couvent jugeant que la
promiscuité avec les protestants risquait fort de jeter la discorde et les
problèmes…
Dans le lettre de la Reine, il n’est nullement écrit qu’il est interdit
de planter une croix au milieu du terrain pour marquer symboliquement sa prise
de
possession.
Tout allait donc se dérouler comme prévu et le 26 avril 1615, jour de Quasimodo,
une grande procession se forme au cours de laquelle la croix des Capucins est bénite
à Notre-Dame de Mante, par Maître Hubert des Barres, doyen du chapitre puis la
croix, en grande pompe, emprunte le pont au bout duquel le père Noblet, curé de
Limay attend… mais lorsque ce dernier veut prendre la tête, juste derière le
doyen tout de même, de la procession sur le territoire de Limay, il est violemment repoussé et son étole lui est même arrachée…
Les
Chiens de Mante viennent de réveiller les Loups de Limay… L’abbé Noblet entend
ne pas en rester là et, entrainant les nombreux paroissiens qui l’entourent, il
se précipite au clos de l’Assomption, nom du terrain dévolu aux Célestins, et
attend de pied ferme la procession de ces Messieurs de Mante et cette fois, le
curé de Limay entend procéder lui-même à la réception de la croix… mais bien
entendu, ceux de Mante ne l’entendent pas de cette oreille et refusent
énergiquement… Ah là là ! Quelle histoire ! Les protestants vont
bientôt pouvoir gloser… Heureusement, avant que les Chiens de Mante se jettent à
la gorge des Loups de Limay et vice versa, le Père Léonard, Capucin de Paris
venu spécialement pour cette grande occasion, intervient en priant l’assemblée
de le laisser seul bénir la croix… ce qu’il fit après avoir revêtu l’étole de l’abbé
Noblet…
Les
lettres patentes autorisant enfin la construction du couvent arrivèrent au
moins d’août 1615 et la première pierre fut posée le 04 octobre suivant,
cependant les travaux ne seront entièrement terminés qu’en 1623.
Les Capucins vont se mêler
étroitement à la population, apportant leurs soins aux pauvres et aux malades
et se dévouant tout particulièrement lors des catastrophes qui ne vont pas
manquer de s’abattre sur le village et la région.
Le temps nous presse, nous avons encore tant de
choses à nous remémorer, empruntons l’ancienne rue du Grès et admirons l’architecture
commune, ces maisons de pierre qui sont là parfois depuis fort longtemps,
témoins de la vie et du savoir-faire de nos prédécesseurs mais qui bientôt
peut-être seront remplacées par des habitations sans âme et sans avenir… Catherine Livet
A suivre
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