dimanche 22 septembre 2019

Journées du patrimoine Limay Yvelines

Limay... toujours

Bonjour à tous,

Pour les journées du patrimoine, j'ai présenté le début de mon abrégé d'histoire de Limay en format PDF
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que vous pouvez lire et télécharger gratuitement.
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Une seconde partie va suivre très prochainement.

Je vous souhaite une bonne lecture et n'hésitez pas à me laisser un message en commentaire ici ou sur mon blog général.

A bientôt,

Catherine Livet

dimanche 8 septembre 2019

Histoire de Limay - Les Capucins s'installent

Partie 5

Jean Martel, chambellan de Charles V, au couvent des Célestins
Vers la partie 4

Les protestants s’installent à Limay

Les Capucins séduisent la population


Charles n’était pas encore le cinquième, il était Dauphin et duc de Normandie et avait un ami plus qu’un chambellan qui se trouvait à ses côtés à la bataille de Poitiers ; ce familier de la famille royale qui avait pour nom Jean Martel fut cruellement blessé là même où le roi Jean le Bon, vaincu, fut fait prisonnier par les Anglais, ce 19 septembre 1356 et trépassa quelques jours plus tard ; son corps, plus tard, fut conduit  au couvent des Augustins de Rouen.
Sans doute séduit par la beauté du site sur lequel se trouve la chapelle Sainte-Christine à Limay, Charles V décide d’installer son fidèle chevalier Jean Martel après quelques années de travaux, en 1379,  au milieu des frères Célestins qu’il dote très généreusement , sans oublier une rente pour que les moines disent une prière quotidienne à perpétuité pour le souvenir de son chambellan. Le roi ne sera pas le seul donateur au profit du monastère qui va rapidement devenir fort puissant… 
Dans quelques temps, les Célestins ne reconnaîtront plus ni Dieu ni maître… L’archevêque de Rouen, dès le printemps 1774, avisera le roi de France alors Louis XVI que les Célestins ne rentreront jamais dans le rang ; un inventaire des biens du monastère des Célestins de Limay fut
dressé avant sa dissolution qui devint définitive en date du 13 mai 1779. Le comte Martel de Delincourt, village situé dans le département de l’Oise, avec l’autorisation de l’archevêque de Rouen et celle de l’assemblée de la paroisse, fit alors retirer les restes de son illustre ancêtre, de son vivant chambellan de Charles V, de l’ancienne chapelle des Célestins de Limay pour les installer dans la petite église de Delincourt dans laquelle, dans la chapelle sud, on trouve une plaque de pierre qui retrace en quelques lignes la destinée des restes mortels de Jean Martel jusqu’en 1787 date effective de leur arrivée dans cette paroisse.

Laissons les Célestins sur leur hauteur et rallions-nous au panache blanc qui flotte au dessus de la bataille, humons cette bonne odeur de poule au pot et souvenons-nous que labourage et pâturage sont les deux mamelles de la France… et oui, nous y sommes… Henri IV et son ministre Sully qui est un voisin puisqu’il est né ici à la toute fin de l’année 1559, à Rosny, sans doute même dans le château de Beuron qui se trouve à deux ou trois kilomètres de celui de Rosny qui ne semble pas avoir été en très bon état à cette époque ; c’est un calviniste convaincu et un grand familier de celui qui oscillera, en fonction des besoins du royaume, du protestantisme au catholicisme et qui, légende oblige, deviendra au fil des siècles notre « Bon roi ».
Regardons maintenant l’extrait de plan, dit napoléonien, ci-contre, il n’est donc pas de l’époque de Sully mais ce n’est pas grave, c’est juste pour situer précisément le lieu où nous nous trouvons à Limay pour aborder cette partie de son histoire. Nous nous trouvons donc à l’intersection de la rue des Capucins en haut de la carte et de la rue de la Truanderie dont une partie, à droite de la croix, était appelée rue de la Presche en référence aux protestants qui avaient installé leur lieu de réunions dans une grande maison située à cet endroit. Certains historiens avancent que Calvin en personne serait venu dans la région pour convertir les habitants, il aurait séjourné chez les seigneurs d’Hazeville, ce serait à Enfer, hameau de Wy qui n’était pas encore Joli-Village situé à une vingtaine de kilomètres de Limay, que Calvin aurait écrit une partie de « l’institution chrétienne » publiée à Bâle en Suisse en 1536…  
Quoiqu’il en soit, il semblerait que les premières assemblées se soient tenues à Limay dès 1560 sans doute de manière plutôt clandestine… date qui correspond tout de même plus ou moins à l’édit d’Amboise signé en 1563 entre le catholique duc de Montmorency, maréchal de France, et Louis de Condé, chef des protestants ; une grande liberté de conscience est octroyée aux protestants ainsi qu’une certaine liberté de culte  limitée et très encadrée, notamment, les réunions ne doivent se tenir que dans le faubourg d’une seule ville par bailliage qui accueillera tous ceux du ressort qui le souhaiteront, pour la région, ce sera Limay. Cet édit sera suivi de beaucoup d’autres apportant des nuances, plus ou moins favorables aux protestants, jusqu’à celui de Nemours, signé en 1585, qui proscrit la liberté de conscience et donc, par la même occasion, celle du culte. C’est à Mante, en 1591, que cet édit dit de Nemours sera annulé.
En 1594, catholique depuis son abjuration du 25 juillet 1593 en la basilique de Saint-Denis Henri IV assiste, à Mante, à une réunion de députés calvinistes à qui il aurait déclaré que sa conversion n’avait rien changé à l’affection qu’il leur portait. En 1598, le fameux édit de Nantes est signé… tout va donc bien pour les quelques familles protestantes de Limay et des environs… jusqu’à ce qu’un certain Ravaillac ait l’idée -à moins qu’on ne le lui ait soufflée- de planter une dague dans le cœur tolérant d’Henri IV en ce 14 mai 1610…  

 Archives départementales des Yvelines
Les frères de Saint-François d’Assise prirent leur bâton de pèlerin pour aller porter la bonne parole dans les foyers protestants et de son couvent de Paris, le père Léon est venu jusqu’à Limay prêcher le Carême en 1614, c’est un Capucin donc de la famille des Franciscains… Nous sommes bien loin des arrogants et richissimes Célestins car en plus de leur mission évangélique les Capucins véhiculent une image de simplicité et de bonté, ils ont l’habitude de vivre dans un dénuement certain et n’ont pas peur de côtoyer les plus pauvres pour leur venir en aide.  A Limay comme à Mante la population est séduite par le père Léon  et dès la fin de cette année 1614, les notables tant de Mante que de Limay se réunissent pour délibérer pour savoir si les frères Capucins, qui le demandaient, pouvaient venir bâtir un couvent… peut-être un peu au détriment des Cordeliers, autres Franciscains qui avaient déjà été un petit peu négligés par Charles V tant ce roi était occupé par l’établissement des Célestins de Limay, que les Capucins semblent supplanter dans le cœur de la population… mais c’est, presque, une autre histoire…

Exemple de conversion

 
Et il fut décidé de les installer au plus près du mal hérétique ; le terrain nécessaire à l’établissement des moines est vite trouvé car à Limay, tout prêt du lieu de culte des protestants, se trouve un grand terrain clos de murs qui allait parfaitement faire l’affaire. Sauf que les protestants de la région s’opposèrent vigoureusement à un tel voisinage et envoyèrent une protestation au jeune Louis XIII ; c’est la mère du roi, Marie de Médicis, qui exerce la régence qui répond en interdisant l’établissement du nouveau couvent jugeant que la promiscuité avec les protestants risquait fort de jeter la discorde et les problèmes…
Dans le lettre de la Reine, il n’est nullement écrit qu’il est interdit de planter une croix au milieu du terrain pour marquer symboliquement sa prise de
possession. Tout allait donc se dérouler comme prévu et le 26 avril 1615, jour de Quasimodo, une grande procession se forme au cours de laquelle la croix des Capucins est bénite à Notre-Dame de Mante, par Maître Hubert des Barres, doyen du chapitre puis la croix, en grande pompe, emprunte le pont au bout duquel le père Noblet, curé de Limay attend… mais lorsque ce dernier veut prendre la tête, juste derière le doyen tout de même, de la procession sur le territoire de Limay, il est violemment repoussé et son étole lui est même arrachée…
Les Chiens de Mante viennent de réveiller les Loups de Limay… L’abbé Noblet entend ne pas en rester là et, entrainant les nombreux paroissiens qui l’entourent, il se précipite au clos de l’Assomption, nom du terrain dévolu aux Célestins, et attend de pied ferme la procession de ces Messieurs de Mante et cette fois, le curé de Limay entend procéder lui-même à la réception de la croix… mais bien entendu, ceux de Mante ne l’entendent pas de cette oreille et refusent énergiquement… Ah là là ! Quelle histoire ! Les protestants vont bientôt pouvoir gloser… Heureusement, avant que les Chiens de Mante se jettent à la gorge des Loups de Limay et vice versa, le Père Léonard, Capucin de Paris venu spécialement pour cette grande occasion, intervient en priant l’assemblée de le laisser seul bénir la croix… ce qu’il fit après avoir revêtu l’étole de l’abbé Noblet…
Les lettres patentes autorisant enfin la construction du couvent arrivèrent au moins d’août 1615 et la première pierre fut posée le 04 octobre suivant, cependant les travaux ne seront entièrement terminés qu’en 1623.
Les Capucins vont se mêler étroitement à la population, apportant leurs soins aux pauvres et aux malades et se dévouant tout particulièrement lors des catastrophes qui ne vont pas manquer de s’abattre sur le village et la région.

Le temps nous presse, nous avons encore tant de choses à nous remémorer, empruntons l’ancienne rue du Grès et admirons l’architecture commune, ces maisons de pierre qui sont là parfois depuis fort longtemps,
témoins de la vie et du savoir-faire de nos prédécesseurs mais qui bientôt peut-être seront remplacées par des habitations sans âme et sans avenir…   

Catherine Livet


A suivre


dimanche 1 septembre 2019

Monastère des Célestins et armoiries modernes de Limay


Laissons derrière nous les bords de Seine, traversons précautionneusement les grandes artères et faufilons-nous vite dans les rues anciennes qui nous parlent de l’histoire de Limay dans les Yvelines. Nos regards se portent sur les hauteurs de la ville ou domine une grande bâtisse carrée qui est
Photo de Louis de Faucigny
nommée « château des Célestins »… N’est-il pas normal pour des moines portant un nom si évocateur de vouloir bâtir leur maison sur les hauteurs, au plus près de la voute céleste ? A dire vrai, d’autres raisons ont fait qu’il y a longtemps… très longtemps, une communauté religieuse s’est établie dans le village… Fermons les yeux, oublions ce château… concentrons-nous, tentons de nous souvenir de nos manuels scolaires… voilà, nous y sommes presque… des réminiscences d’histoire de France assaillent nos neurones… Les Valois, les Plantagenêts… la guerre de Cent ans… Charles V… le mythique chevalier Du Guesclin… Mais oui, nous y sommes totalement… en plein Moyen Age ! Et oui, il y avait des Anglais sur ce territoire dont nous parlons… Charles V dit « le Sage », est le premier fils de roi à porter le titre de Dauphin, il est le fils de Jean dit « le Bon » ; Charles II de Navarre qui sera appelé « le Mauvais » réclame, entre autres choses, le trône de France, il a de grandes possessions en Normandie, il s’allie pendant quelques années avec les Anglais dont le roi, Edouard III Plantagenêt, a aussi revendiqué le trône de France et c’est même, pour un temps, proclamé roi de France, ce dernier a pour fils Edouard qui restera dans l’histoire sous le nom de « Prince noir » et qui infligera une cruelle défaite aux Français, en 1356, à la bataille de Poitiers où il fait prisonnier le roi Jean le Bon. Le Dauphin de France devient alors Régent du royaume puis Roi au décès de son père en 1364. Charles de Navarre dit « le Mauvais », cousin du roi de France, et les Anglais tiennent la Vallée de la Seine, les habitants de Limay se sont-ils habitués à croiser ses étrangers qui ont investi la place de Mante et qui occupent Limay, empêchant les bateaux de ravitailler la capitale qui crie famine…. Les Parisiens grondent… il faut trouver une solution…   Charles V
charge Bertrand Du Guesclin de reprendre la vallée. Le chevalier fait le siège de Rolleboise également aux
Bataille de Coquerel – mai 1364 – Chanson de Du Guesclin – Jean Cuvelier
mains des Anglais mais il s’avère que la prise de cette forteresse ne va pas se faire en un jour alors, dans le même temps, il est décidé de prendre la
ville de Mante et pour se faire, un stratagème que l’on attribue parfois au capitaine Guillaume de Launoy est élaboré. Une trentaine de soldats triés sur le volet s’infiltrent dans Mante sous des prétextes divers et prennent bien  soin, pour ne pas attirer l’attention, de faire croire qu’ils ne se connaissent pas. Une vingtaine de soldats revêtent des habits de vignerons sous lesquels ils cachent les meilleures armes qu’il soit possible d’avoir alors. Ils se présentent à la porte par petits groupes et demandent à travailler aux vignes pour gagner leur journée… Cette demande fort courante dans cette région couverte de treilles est reçue sans soulever un seul soupçon et la petite porte leur est ouverte… Promptement, ils s’emparent d’une charrette qui sortait de la ville et la jette en travers du pont pour empêcher la fermeture de la porte et aux cris de « Launoy ! Launoy ! » ameutent les hommes de Du Guesclin, tant ceux déjà en place que ceux qui attendent leur heure tapis dans les environs… Furieusement, comme un seul homme, ils se jettent alors dans la place… et comme les habitants sont encore pratiquement tous profondément endormis, la défense est médiocre et, pour tenter d’échapper aux Français, la population n’a que la solution de se réfugier dans l’église… Mante est prise et Meulan le sera dans quelques jours…
Cette prise de Mante n’est pas racontée de la même façon par Jean Froissart, pourtant chroniqueur célèbre du 14e siècle, qui parle aussi d’une ruse mais dit que le Maréchal Boucicaut, à cheval et en armes et accompagné de ses hommes, aurait demandé l’ouverture des portes en prétendant être sauvagement poursuivi…  
Laissons là ces querelles et profitons du calme revenu à Limay car la paix ne va pas durer et les Anglais reviendront, dans quelques temps, arpenter le village… 
En attendant, regardons encore les hauteurs sur lesquelles se trouve notre château des Célestins… Avant qu’il ne soit construit il y avait déjà quelques habitants qui vivaient dans une saine solitude près de la source

Lettrine de la charte de la fondation du monastère des Célestins de Limay
 
vitale qui s’appelle la Carrelée qui alimenta Mante incapable, repliée derrière ses murs, d’être autonome pour ses besoins primordiaux.  Cette présence humaine est attestée dès l’an 1363 et confortée en 1367 par l’érection d’une chapelle en l’honneur de Sainte-Christine. Charles V, désireux d’installer des moines Célestins dans la région, en acquit les droits ainsi que ceux sur ses dépendances ; Il dédie le monastère à la Sainte Trinité qui est dès lors symbolisée par trois fleurs de lys indissociables.
 
La charte qui régit la fondation du monastère des Célestins à Limay revêt une importance particulière puisqu’elle précise l’emploi des trois fleurs de lys qui deviendront le symbole officiel du royaume de France… Cette charte est expédiée en février 1376 et est cachetée du sceau ancien ; l’enregistrement de cette charte est authentifiée par un sceau à trois fleurs de lys mais il faut garder à l’esprit que Charles V utilisait déjà un sceau ordonné à trois fleurs de lys dès 1375 comme il est attesté par une charte datée du 07 décembre de cette année.
A Limay, nous devons donc un troisième élément de notre écu à Charles V ou aux Célestins, comme il plaira à chacun… et même un quatrième puisque soutenant l’écu se trouve une croix pattée sur laquelle s’enlace la lettre S. Si l’on voit bien la référence directe au monastère des Célestins avec l’utilisation de la croix pattée, le S reste un peu mystérieux et bien compliqué car il représenterait l’initiale de la ville de Sulmona qui se trouve dans les Abruzzes, en Italie, berceau de l’ordre des Célestins où Pierre de Morrone, futur éphémère pape Célestin V, a fondé l’abbaye du Saint-Esprit… Si l’on retrouve la croix pattée sur l’écu de Porcheville, en référence aux possessions porchevilloises de nos Célestins, on ne retrouve nulle part ce S.

Charles V dit le Sage se serait-il arrêté à Limay juste pour nous offrir un monastère richement doté et un bouquet de lys ?

Catherine Livet
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