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Oh là là ! La vie de François Jean-Baptiste Grosvalet
ne débute pas à Limay ! C’est au contraire toute une histoire que celle de
François Jean-Baptiste… c’est l’Histoire de France ! Pourtant, ce n’est
pas pour cette raison que j’ai choisi de parler de lui mais simplement parce
que, « enfant » de Limay, il y est décédé avec la mention Mort pour
la France ! Oui, oui, il est décédé à Limay avec la mention Mort pour la
France !
« Enfant » de Limay… c’est presque entièrement
vrai si nous prenons en compte le fait qu’il vivait à Follainville en 1893 et
qu’il y était peut-être déjà depuis quelques années, ensuite, avec sa famille,
il s’installe dans une maison située rue de Dennemont à Limay puis, adulte,
nous le retrouvons avec certitude au cœur de Limay en 1911 et l’on sait même
qu’il habitait au 41 de la rue Nationale en 1912… mais j’anticipe… nous n’en
sommes pas encore là…
François
Jean-Baptiste Grosvalet naît le 04 août 1882 dans une maison, où habite sa
famille, située rue Bruslé dans la
commune de… Saint-Pierre sur les Iles de… Saint-Pierre et Miquelon, colonie
française… Comme ces îles sont éloignées de Limay ! Quand on regarde une
carte du monde, ce sont les points à l’extrême sud-est du Canada qu’il faut
repérer pour situer le lieu où François
Jean-Baptiste est né et où il va vivre… Bon, de toute façon, il n’est pas
besoin de connaître la très compliquée -mais riche et unique- Histoire de France dans ses moindres détails
pour s’intéresser à la vie de François Jean-Baptiste, « l’enfant » de
Limay.
C'est son père François Marie, alors charpentier, qui vient faire la déclaration de naissance
du bébé, dont la mère est Virginia Edwards ; encore une chose sûre, une
grande sœur accueille le nouveau-né, on l’a appelée Virginie Marie, elle est
née le 10 août 1880 et, au moins jusqu’à son premier mariage, va suivre le même
destin que son petit frère… Leur mère se prénomme bien Virginia, pas Virginie…
et de toute façon, son nom de famille est Edwards (ou Eddwards)… Bon… vous
voyez où je veux en venir ? Si vous ne voyez pas parce que vous êtes un
très jeune lecteur -ou pour toute autre raison- ce n’est vraiment pas
important… lorsque j’ai débuté la rédaction de ce texte, je ne savais pas que
j’allais m’embarquer si loin… j’ai réussi à retrouver mon chemin alors, vous
aussi !
Voici un petit tableau qui présente de façon
simplifiée la généalogie de la famille Grosvalet mais qui devrait pouvoir
permettre de mieux faire connaissance avec toutes les personnes dont je parle
ici :
Légende : °=naissance x=mariage +=Décès |
En fait, il n’y a rien d’étonnant à ce que le petit
François Jean-Baptiste et sa sœur soient nés à Saint-Pierre puisque leurs
parents s’y sont mariés le 27 février 1879 ; pourtant, le père des enfants
est natif de Pordic qui se situe en Côtes du Nord, aujourd’hui, Côtes d’Armor
en Bretagne sur notre solide métropole, il y est né le 22 septembre 1851 et a
au moins deux sœurs qui ont retenu mon attention car, née le 29 septembre 1839
à Pordic, l’aînée porte les mêmes prénoms que son petit frère : Françoise
Marie ; la seconde, Anne Marie Jeanne, née en 1845 à Pordic, va permettre
de situer l’époque du lointain déménagement de la famille. Le père de ces deux
François(e) Marie et de Anne Marie Jeanne, marin pêcheur qui répond au prénom
de Louis, toujours en mer, n’était pas présent pour les naissances… et puis un
jour, il a décidé d’installer toute sa famille à Saint-Pierre… Le premier signe
de leur présence sur cette lointaine île est la déclaration de naissance d’une
petite Ernestine Fanie Marie Grosvalet que Louis vient faire le 09 mai 1863,
elle est née le 07 précédent, chez lui, de sa fille mineure, âgée de 18 ans,
Anne Marie Jeanne Grosvalet. Malheureusement, le second signe de leur
installation sur l’île de Saint-Pierre est le décès de Louis ; il est
alors âgé de 56 ans, est toujours marin pêcheur et il s’éteint chez lui, à
Saint-Pierre, le 18 juillet 1866, l’acte nous apprend qu’il était né le 10 mars
1810 à Pordic. Les enfants sont grands, certains, du moins une fille, sont déjà
parents, sa veuve, la Dame Françoise Mahé qui, sans doute ne travaille pas, est
certainement prise en charge par ses enfants dont, peut-être François Marie est
le plus jeune mais largement en âge de travailler sans pour autant avoir celui
de se marier donc, même si la situation financière n’est pas florissante, elle
ne doit pas être dramatique pour autant.
François Marie est devenu charpentier et comme nous
l’avons vu plus haut, c’est le 27 février 1879 qu’il se marie avec Virginia
Edwards qui est née le 19 septembre 1854 à Saint-Laurent,
Terre-Neuve comme l’atteste la copie de l’extrait de son acte de baptême
qu’elle présente pour se marier; elle est la fille de James qui est marin, qui
habite à Saint-Pierre et qui est
présent et consentant ; il n’en est pas de même pour sa mère, Ellen Bonnel
qui ne risque pas d’être présente puisqu’elle est déclarée décédée bien
que personne ne puisse donner ni la date ni le lieu de son décès.
Mon propos n’est pas de parler de l’histoire coloniale
mais, avoir découvert que l’enfant de Limay, Mort pour la France en 1918
était descendant d’un marin pêcheur breton rend moins surprenant le fait qu’il
soit né à Saint-Pierre, Iles de Saint-Pierre et Miquelon puisque ces îles ont
fortement attiré les populations de nos hexagonales côtes ouest et pour mieux comprendre encore la vie des
protagonistes de mon présent petit texte, j’attire votre attention sur un
point : le maire qui rédige l’acte de mariage note maintenant qu’il est
officier de l’état civil de la ville de Saint-Pierre, Terre
Neuve.. bon, pour faire bref, la France et l’Angleterre se déchirent, se
prennent, se rendent, s’échangent, se partagent les colonies et à cette époque,
la ville de Saint-Pierre est sous le joug britannique… Les populations, en principe
chassées, ne quittent pas forcément leur lieu de vie pour autant -il faudrait
étudier plus finement les Grosvalet de Saint-Pierre pour connaître leurs
éventuels différents départs et arrivées-
mais des mouvements se font plus ou moins naturellement ; voilà
sans doute ce qui a permis la rencontre entre notre François Marie et une
demoiselle Ed(d)wards… Calcul… amour… j’ai bien une idée qui n’est ni toute
blanche ni toute noire… mais je ne vais pas me lancer dans un grand exposé
philosophique et je laisse à chaque lecteur le soin de se faire sa propre
opinion en fonction de sa sensibilité.
A ce stade de l’histoire, je me pose une nouvelle
question : Pourquoi François Jean-Baptiste Grosvalet est-il venu mourir
pour la France à Limay dans les Yvelines ? Voici la réponse : Son
père décède prématurément le 17 mai 1886 dans sa maison située rue Bruslé à
Saint-Pierre et sa mère se remarie. Le second mariage de Virginia Edwards est
célébré le 03 décembre 1887 à Saint-Pierre, le père de la fiancée est toujours
marin mais il n’habite plus la commune, il est reparti s’installer à
Saint-Laurent, Terre Neuve et sa fille, suivant les lois de ce pays, est
dispensée de devoir recueillir le consentement de son père de plus, de fait,
elle est dispensée de présenter l’acte de décès de sa mère, Ellen Bonnell,
puisque personne ne sait ni où ni quand elle est décédée, cependant, futurs
mariés et témoins attestent de ce décès. Un contrat qui régie les règles du
mariage a été signé devant Maître Salomon Eugène le 30 novembre dernier. Le
futur est Léonce Moussard, il est maçon et ce qu’il nous importe d’apprendre
est qu’il est né le 22 mars 1862 à… Follainville alors en Seine et Oise mais
aujourd’hui dans les Yvelines… à quelques kilomètres de Limay. Monsieur
Moussard est né de Louis Nicaise et de Marie Eugénie Bréval qui sont épiciers à
Follainville ; ils n’ont bien entendu pas fait le formidable voyage -plus
de quatre-mille kilomètres- pour assister au mariage de leur fils mais ils ont
donné leur consentement par acte daté du 19 octobre 1887, passé devant Maître
Auguste Alphonse Courtaignac, notaire à Mantes.
Comme moi, vous vous dites qu’il serait sans aucun doute
intéressant de savoir pourquoi Léonce Moussard est allé s’installer à
Saint-Pierre, Iles de Saint-Pierre et Miquelon, colonie française… alors
évidemment, je n’ai pas pu m’empêcher de survoler les archives et, ce n’est pas
très étonnant, Léonce était alors soldat… dans la marine... le caporal Moussard,
après avoir fait campagne sur le bâtiment la Clorinde, se retrouve à Saint-Pierre
et Miquelon du 27 mai 1887 au 31 juillet suivant, date à laquelle l’armée
l’envoie en congé en attendant son passage dans la réserve qui doit avoir lieu
le premier juillet 1888 mais, envouté par la beauté des îles et, qui sait, sous
le charme de la séduisante veuve Virginia Edwards, il s’installe à
Saint-Pierre. De ce mariage va naître, le premier décembre 1888, au domicile de
ses parents rue Ange Gautier à Saint-Pierre, Léoncie Virginie Eugénie Moussard
puis, je perds la trace de la petite famille pour la retrouver, en début
d’année 1892 à… Follainville. Ainsi donc, Léonce Moussard, après quelques
années passées à Saint-Pierre, Iles de Saint-Pierre et Miquelon, colonie
française, a préféré retrouver sa région natale… le jeune François
Jean-Baptiste Grosvalet était bien entendu du voyage.
Et c’est ainsi qu’entre mère et beau-père, sœur et
demi-frères et sœurs -dont la petite Maria née à Follainville le 10 août 1893-,
François Jean-Baptiste va devenir un homme en commençant par apprendre un
métier, celui de maçon qu’il va exercer auprès de son beau-père qui est patron
maçon puis, rituel obligé, il devient le matricule 1534 au recrutement
militaire, il habite toujours à Follainville, mesure 1,59 m, est châtain tant
de cheveux que de sourcils et a les yeux gris, son front est bas, son nez est
fort, sa bouche est moyenne, son menton rond, le tout dans un visage ovale et
il sait lire et écrire. L’armée, c’est une façon de vivre… c’est même une
manière de penser… alors elle incorpore François Jean-Baptiste, qui devient le
soldat de seconde classe sous le matricule 3 540 le 16 novembre 1903, au 5e
Régiment d’Infanterie… coloniale ! Bon, tout se passe plutôt bien et un
certificat de bonne conduite lui est accordé… il fera des périodes d’exercices
-rien de plus normal- au sein du 1er Régiment d’Infanterie Coloniale
à Cherbourg en 1909 puis en 1912. Mais avant tout cela, il a assisté sa sœur
Virginie Marie Grosvalet lors de son mariage célébré le 30 mai 1903 à
Follainville où habite toujours la famille dans une maison située Grande Rue
pourtant, c’est cette année, sans doute juste avant qu’il ne parte à l’armée
que les Moussard/Grosvalet déménagent pour s’installer route de Dennemont à
Limay. Le jeune beau-frère de François Jean-Baptiste est Paul Denis Henri Prévost,
il est journalier, né à Follainville le 09 décembre 1878 de Eugène Auguste qui
est tonnelier et de Hélène Moussard qui est décédée depuis 1887. L’acte de
naissance de la mariée et celui du décès de son père sont bien arrivés de
Saint-Pierre, îles de Saint-Pierre et Miquelon, légalisés comme il se doit
cependant l’officier de l’état civil détecte quelques irrégularités car la mère
de la mariée est appelée Virginie Edwards dans l’acte de naissance de la mariée
et Virginia Edwards dans l’acte de décès du père de la mariée ; le père de
la mariée est François Grosvalet dans l’acte de naissance de la mariée et
François Marie Grosvalet dans l’acte de son décès… La mère de la mariée, la
mariée et les témoins attestent que ce ne sont que des erreurs… Léonce Moussard,
le beau-père de la mariée est aussi son témoin ainsi que Clotilde Marie
Anastasie Masson, épouse d’Edmond Moussard, cultivatrice à Follainville âgée de
38 ans que le même officier, qui pinaillait pour un e à la place d’un a, sans
sourcilier, note être la tante par alliance du côté paternel de l’épouse…
Le temps est passé bien vite et ce 08 juillet 1911,
François Jean-Baptiste Grosvalet, qui en a l’âge, nous invite à son mariage…
qui, sans être exceptionnel, n’est pas banal pour autant puisque la fiancée,
Marie Augustine Lecul est veuve depuis le 18 avril 1908 de Gilbert Joseph
Leclère qui est décédé à leur domicile parisien et surtout, elle a déjà 41 ans
révolus puisqu’elle est née le 02 novembre 1869 à Bapaume dans le Pas-de-Calais
de Augustin François Joseph et d’Elisabeth Joseph Meunier, parents décédés à
l’époque du second mariage de leur fille. Il n’y a pas très longtemps donc
qu’elle habite à Limay. Le mariage n’est pas célébré par Aubin Augustin Groux,
maire de Limay mais par son adjoint, Constant Louis Lévêque. Puisque
Mairie de Limay et son beffroi à l’horloge |
Les témoins du mariage sont Léonce Moussard, toujours
entrepreneur en maçonnerie à Limay qui est, comme on le sait le beau-père de
François Jean-Baptiste et un autre Moussard, Victor Edmond, cultivateur de 24
ans à Follainville que le rédacteur de l’acte précise non parent du marié… mais
il y a de fortes chances que le jeune Victor Edmond soit de la famille de
Léonce Moussard qui semble bien avoir toujours considéré les enfants issus du premier lit
de son épouse comme les siens. Les autres témoins sont Paul Prévost, maçon de
32 ans à Follainville et Charles François Toubon, limonadier à Limay qui sont
dits amis de la mariée… personne ne mettra ces amitiés en doute mais il est
probable que le témoin Paul Prévost soit aussi le beau-frère du marié.
Nous avons un renseignement précieux au sujet de notre
mariée, Marie Augustine Lecul, car elle a un métier bien défini, elle est femme
de service à l’école enfantine de Limay… Elle travaille donc à l’école de filles,
toute neuve… ou presque puisque c’est en 1909 qu’elle a été inaugurée et que la
classe enfantine qui était installée à quelques centaines de mètres, rue de la
Chaussée de Beauvais y a été transférée ; cette nouvelle école a été
aménagée à la place de l’ancien presbytère et de son jardin, elle est placée
sous la responsabilité de Madame Pruvost ; cette école primitive, qui va
connaître bien des modifications au fil du temps, s’appelle aujourd’hui, ce qui
n’est vraiment pas original et toujours très surprenant, « Ecole Jules
Ferry »
Bon, quelques années s’écoulent, plus ou moins paisiblement, la vie suit son cours avec son lot de
peines et de joies et ses événements plus ou moins importants comme le mariage
de Marie Moussard, la jeune demi-sœur de François Jean-Baptiste Grosvalet car
ce 03 février 1913, elle épouse Albert Julien Toussaint Duvivier qui, bien que
né le 28 septembre 1888 dans le 9e arrondissement de la capitale est
un enfant du pays, son père Jules Emile est décédé à Limay, depuis moins d’un
an, le 23 mars 1912 et sa mère, Berthe Adrienne Cacheux, est rentière mais
lorsqu’ils étaient en activité, les parents du fiancé étaient épiciers dans le
quartier commerçant de la capitale, rue de Caumartin qui tire son nom de celui du
prévôt des marchands de Paris.
Rue de la Prêche - Limay
|
Le futur habite dans le 17e arrondissement de
Paris et exerce le métier de commis d’architecte mais lorsqu’il était venu à la
même mairie faire la déclaration du décès de son père, il était dit habiter à
Limay ; c’est le maire, Emile Prunet, qui célèbre le mariage et qui
précise qu’un contrat a été signé le 18 janvier précédent devant… Maître
Prunet, notaire à Limay ! L’un des témoins du marié est Georges Pinard,
dessinateur principal, âgé de 41 ans, habitant à Paris, qui est son beau-frère
et qui était aussi le témoin du décès de leur père et beau-père en 1912 où il a
été précisé que Georges Pinard était dessinateur à la Compagnie des Chemins de
Fer ; l’autre témoin du marié est Louis Duvivier, rentier de 65 ans qui
habite avenue du Grès à Limay qui est son oncle ; les témoins de la mariée
sont Edmond Moussard, cultivateur de 53 ans à Follainville qui est son oncle et
Paul Prévost, maçon de 34 ans qui habite aussi à Follainville et qui est son
beau-frère.
Rue Nationale - Limay |
Quand à notre François, Jean-Baptiste Grosvalet, il habite
désormais avec son épouse, comme nous l’avons déjà vu au début de ce chapitre,
au 41 de la rue Nationale, artère de la petite ville dans laquelle était
installé, entre autres commodités, l’indispensable bureau des Postes, Télégraphes et… Téléphones de
Limay.
Et nous y sommes : C’est la mobilisation
générale ! Mais cette fois, il n’y a plus à
tergiverser, il faut partir !
Bien sûr qu’à Limay on discutait des bruits de guerre… il y
avait ceux qui pensaient que c’était imminent, ceux qui pensaient qu’il n’y
aurait pas de guerre, ceux qui étaient dépassés, ceux qui n’avaient pas
d’opinion, ceux qui avaient peur, ceux qui brûlaient d’envie de manier le
fusil, ceux qui… bon enfin, comme toujours, on a refait le monde à sa sauce…
Catherine Livet
Sources,
bibliographie : Archives nationales d'Outre-mer, Archives
départementales des Côtes d'Armor, Archives départementales des
Yvelines, Archives de Paris, Archives départementales du Pas-de-Calais,
Site "Mémoire des Hommes", Mantes et son arrondissement - V. Bourselet
et H. Clérisse, L'histoire de l'Ile-de-France - Denis Lagarde, Histoire
de Limay - Edouard Fosse, Base Léonore, A nos poilus - Catherine Livet,
Mes aïeux dans les Yvelines - Catherine Livet
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